10 septembre 2017

Shanghaiing

Filleule est partie visiter son conjoint, en poste à Shanghai pour deux ans.
Cette ville est un verbe en anglais, comme je l'ai appris il y a quelques années dans ce roman:
« How do we know what size to get her? » I said once I was settled in Mike’s convertible. « We stop by the house and shanghai the basic item, » Mike said. « That’s how. » « Marcie? » I said.
« Yowsah, » Mike said. « Now your salts are ionizing. »
All the tea in China, de Katharine Topkins, 1962


En fait, mes idées préconçues sur cette ville viennent de récits de voyage, le plus vieux étant celui de Robert Fortune, 1852:

Je visitai un grand nombre de fermes, et je réussis à me procurer environ quatre cents jeunes plants que je rapportai en bonne condition à Shanghai, et qui doivent aujourd’hui pour la plupart pousser vigoureusement dans les plantations du gouvernement sur les flancs des Himalayas.
La route du thé et des fleurs, de Robert Fortune, édition de poche Payot et Rivages 1994

celui de Trudeau et Hébert en 1960:
Mercredi 5 octobre 1960
A une heure, thé avec le représentant local de l’Association culturelle, un homme racé et charmant. Il veut savoir ce que nous aimerions connaître de Changhaï, la plus grande ville de Chine avec ses 10 millions d’habitants, grand centre culturel et commercial, berceau du parti communiste chinois.
Deux innocents en Chine, de Jacques Hébert et P.E. Trudeau, Ed. de l’homme, 1972
Wednesday, 5 October 1960
At one o’clock we have tea with the local representatives of the Cultural Association, a cultivated and charming man. He wants to know what we would like to find about Shanghai - the largest city in China with its ten million inhabitants, the great centre of culture and commerce, the cradle of the Chinese Communist Party.
¨Two Innocents in Red China¨, by Jacques Hébert et P.E. Trudeau, 1968

et en 1987:
Mon ami de Shanghai n’échappe pas à la loi interdisant aux habitants d’héberger un étranger.
Je frappe du plat de la main sur la porte de Xu Xiaobing. Sa frêle silhouette m’apparaît… Nous nous tendons une main un peu molle, croyant vivre l’un et l’autre un étrange rêve. Il est 20 heures, je transpire comme une bête et mes vêtements sont imbibés de poussière…
-         Pardon d’arriver tard, lui  dis-je, Shanghai est la ville la plus étendue du monde, je me suis perdu plusieurs fois dans la banlieue.
-         Cher camarade français, bienvenue à Shanghai. Ma grand-mère va nous préparer le thé mais nous ne pouvons te garder pour la nuit. C’est la loi!
Un thé à Shanghai, de Jamel Balhi, Presses de la Renaissance Paris 2006

Sinon, ce sont les actualités, les films et les romans qui me les ont fournies:


Les Blancs de Shanghai ne se mêlaient pas à la Chine, l’immense Chine, cette inconnue dont ils ne convoitaient que l’argent et qu’ils ne savaient regarder qu’à travers les vases de porcelaine ornant leurs demeures. Des hommes, ils ne connaissaient rien si ce n’est les boys vêtus de blanc qui leur apportaient les cocktails du soir avec des « here you are, Sir », « here is your tea Ma’am » obséquieux.
Les orchidées rouges de Shanghai, de Juliette Morillot, 2001



All the servants at Hidden Jade Path liked Fairweather because he greeted them in Shanghainese and he thanked them for every little thing. They were accustomed to being treated by others as if they were appendages to trays of tea.
The Valley of Amazement d'Amy Tan 2013 Harper Collins


Il disparut avec force courbettes. Vieux Sung réapparut, avec une théière et deux tasses. Du thé vert chinois qu’il ne servait jamais aux clients étrangers de l’hôtel. D’un geste cérémonieux il plaça les tasses devant Yong et Stéphanie. Son comportement avait changé; sous l’apparence d’un vieux serviteur classique, il se montrait aussi un égal, un ami. Jen et lui échangèrent quelques paroles à voix basse dans le dialecte sibilant de Shanghai.
Jusqu’au matin, de Han Suyin, 1982 Editions Stanké

Mary nodded to the Shanghai cop. Dipping a teabag as though she were fishing in her mug, Wei said, « Assistant Deputy Minister Wong Pan working in Shanghai Culture Bureau, Modern History Section. Has responsibility, artifacts, relics, all recent antiquity of Shanghai. »Now there’s a government concept, I thought : recent antiquities. But apparently, that wasn’t the problem.
Shanghai Moon, de S.J. Rozan, 2009 Minotaur Books NY


“I imagine a Chinese tea house is not that easy to come by anymore,” said Theodosia.
[...]
“Luckily, the city of Shanghai is still blessed with a number of such structures,” said Mr. Liu. “However, with the current building explosion that's going on here...” A note of regret crept into his voice. “Well, we are gratified to see these tea houses go to public institutions, where they will be honored and appreciated.”
“Our museum in Charleston really loves it,” Theodosia assured him. “It's very popular.” 
Ming Tea Murder de Laura Childs 2015 Berkley


Arrivés sur une place où des coolies empilaient les uns sur les autres des sacs de briques destinées à la construction d’un long mur d’enceinte, le Portugais pointa l’index vers une vieille maison de bois devant laquelle se dressait encore une lanterne de pierre d’au moins trois cents ans d’âge.
- Voici la Vieille Lanterne. C’est la plus belle maison de thé de Shanghai.
- Elle est splendide!
- À vrai dire, c’est aussi la plus ancienne…
- De quand date-t-elle?
- De la dynastie des Song.
- Incroyable! Elle est en bois et elle tient encore debout!
Dans le perpétuel chantier urbain qu’était devenu Shanghai où les démolitions se succédaient à un rythme effréné, la préservation d’un tel fossile architectural était une sorte de miracle.
- À cette époque, l’endroit où nous nous trouvons était une île et, tout autour, il y avait un lac d’agrément. On raconte que le préfet qui la fit construire y passait ses journées à siroter du thé en  écrivant des poèmes, ce qui lui valut d’être destitué… En ce temps-là, on ne badinait pas avec les lois et les règlements, lorsqu’on était haut fonctionnaire de l’administration impériale.
L’empire des larmes Tome 1 La guerre de l’opium, de José Frèches, XO éditions 2006
Et cette recherche m'a permis de retrouver un extrait que j'attribuais en vain à un auteur chinois, simplement parce qu'il se situait en pleine révolution culturelle, mais qui m'avait fait une très vive impression:

Le sac était vidé. M. Wu en avait étalé le contenu devant lui. Il y avait là trois immenses plats de porcelaine, un ancien vase à riz, deux théières ébréchées mais - autant que Wang pouvait en juger - si fines qu’elles paraissaient remplies des transparences et des brouillards ensoleillés qui entouraient encore les sommets des tumuli comme des anneaux de dragon en sommeil....On regardait cette chose extraordinaire et distrayante: le vieux fou avait un petit marteau dans la main droite, et il cassait d’un coup sec chacune des pièces qui se trouvaient à ses pieds, après les avoir soigneusement retournées dans ses mains.
Cent vues de Shanghai, de Nadine Laporte, Gallimard 1997
Je compte bien réviser mes préjugés au fil des prochains mois.
Retourner au festival des lanternes, fournies par Shanghai, en plus d'un paysage miniature.
Filleule n'a pas réservé sur la nouvelle ligne directe, ayant préféré une escale de 2 heures à Beijing pour la moitié du prix.

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