21 mars 2014

-moi

Mais Augusta rapporta à sa mère la vision qu’elle avait eue dans le romarin. Elle la lui conta le jour même, après leur avoir servi une tasse de thé à chacune. Elle n’omit aucun détail, le bois ocre du cercueil (du peuplier, à son avis), le gravier autour de la tombe, le parfum âcre du romarin.
« Et de quoi est-ce que je suis morte? demanda Helen.
-Je ne sais pas.
-Et quand cela arrivera-t-il?
-Je ne sais pas. Je ne veux pas que ça arrive.
-Je doute que cela arrive bientôt. Je crois effectivement que tu as vu quelque chose. Mais je ne suis pas certaine qu’il faille y accorder tant d’importance.
-Tu te souviens quand tu as su que papa s’était coupé la main avec la faucheuse? Eh bien, c’était pareil. »
Helen s’empourpra un instant. Elle but son thé. «Même si je te crois, qu’y puis-je? Je ne sais pas quand je mourrai, ni de quelle façon. Je suis comme tout le monde, j’ignore tout de ma propre mort. Tu comprends aussi que nous devons garder ceci pour nous. Tu passerais pour une timbrée si tu allais raconter des choses pareilles. »
Mais quand Augusta en avait parlé au révérend, il ne l’avait pas crue timbrée. Il posa sa canne à pêche à côté de lui et leur servit du thé à l’aide de la petite théière en céramique qu’il apportait avec lui. «  C’est un don, comprends-tu, un don de Dieu. Etre capable de voir ainsi l’avenir. »
Gail Anderson-Dargatz Une recette pour les abeilles  2000

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