Et puis – mais pour cela il faut bien deux ou trois livres – on apprend à déjouer ses propres ruses, sa lâcheté devant l'effort. C'est ainsi que j'ai dernièrement acheté une bouteille Thermos, apport nouveau dans la tradition des objets qui meublent la table d'écriture, pour m'empêcher de me lever à tout bout de champ en quête d'un petit café ou d'un petit thé que je ressentais indispensables et qui n'étaient que prétextes à m'éloigner de mon travail.
Dans les années 1870, il attaque la tâche journalière au saut du lit, à jeun. A dix heures, il prend son petit déjeuner (le plus souvent, des œufs à la coque avec du thé), puis se remet au travail jusqu'à une heure, heure du déjeuner. Au bout de quelques années, il modifie cette organisation : il préfère alors ne pas interrompre son labeur pour manger, et il prend son petit déjeuner avant neuf heures, se contentant, à dix heures, d'une tasse de thé.
Son ami l'avait prévenu, « imperceptiblement, comme une lente soirée d'automne, le thé s'insinuera en toi ». Il ne lui manquait plus en somme que de savoir le préparer lui-même. Ce qu'il commençait d'essayer, avec plus ou moins de bonheur. Bien qu'il suive attentivement les conseils de préparation – « fais bouillir une pinte d'eau, mets un demi-gros de thé, retire du feu, laisse reposer et infuser l'espace de trois Pater et sers dans de la porcelaine » -, il obtenait des résultats plus ou moins heureux.
J'ai commencé à lire ce livre, arrivé pendant mon absence, quand j'ai repris la route au millième kilomètre: recul devant les sentiments religieux, ennui devant le mysticisme - combien Nancy Huston a raison de parler d' "Espèce fabulatrice" - mais quand je me décide à voir des fées là où il parle de déesse, de la poésie dans les êtres qui dansent sur son thé, je sens que mon interprétation de ce que je lis sera plus en harmonie avec ce que Frank H. Murphy a voulu transmettre, son amour profond du thé. 
En me levant très tôt pour profiter non seulement du soleil mais aussi de la solitude, en utilisant le support de lecture, je peux lire assez longtemps chaque matin pour finir ce dernier tome de "La terre chinoise" de Buck. C'est dans le premier que le thé est le plus présent et le plus significatif.
Ce restaurant offre l'accès Internet sans fil le plus proche de la maison où je me trouve. Mais le thé, qu'il soit glacé de Lipton ou chaud de Nestea, est imbuvable, alors pas d'Internet pour l'instant.
