24 février 2009

Kyoto, le 24 février 1964
En cherchant un logis

Visité en fin d’après-midi une ancienne maison seigneuriale, funèbre et belle, perdue dans le sud-est de la ville au-delà d’Uji. Vieux couple de patriciens désargentés qui louent une aile de leur immense demeure. Lui : squelette distingué, un veston de tweed usé passé sur une camisole de flanelle grise qui ressemble à un bourgeron de forçat. Elle, presque aussi décharné, les yeux enfoncés et fiévreux, le visage comme un chiffon de papier de soie engoncé dans l’encolure d’un kimono sévère et somptueux. Nous sommes assis en tailleur au centre d’une pièce glaciale autour d’un brasero où un peu de thé amer infuse sur trois tisons. Au-delà des portes à glissières, un petit étang et un jardin engourdi où pas une feuille ne traîne. On ne sait s’il pleut ou s’il neige, ce qu’on sait c’est que le printemps n’est pas pour demain.
Nicolas Bouvier Chronique japonaise, Le Cahier gris 1989

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