25 mai 2014

Morning tea

Et ce thé pris le matin, encore au lit ou sitôt debout, apporté par la logeuse, est-ce encore pratiqué au XXIe siècle? à Londres?
Je trouve des traces de cette habitude un peu partout dans mes lectures.
Début 20e, dans les hôtels, selon Agatha Christie, cette fois en Australie:
May 25 1922
The “Chambermaid” arrived with “hot water” a tea cup half filled with luke warm water. We descended to breakfast...
The Grand Tour 2012 Harper Collins
dans les années 1930, au Moyen-Orient, selon la même, avec un mari différent:
Parfois, très tôt le matin, je me mets à franchement détester Mansur. Il n'entre dans la chambre qu'après avoir frappé au moins six fois, au cas où les « Entrez » successifs ne lui seraient pas adressés, et reste debout sur le seuil en respirant bruyamment et en tenant deux tasses de thé fort qui menacent de tomber à chaque instant. Puis il traverse la pièce lentement, en soufflant comme un bœuf et en traînant les pieds, et dépose l'une des tasses sur la chaise à côté de mon lit. Ce faisant il renverse presque tout son contenu dans la soucoupe.
[…]
Le fait de renverser notre thé le désespère. Mansur regarde fixement la tasse et la soucoupe tout en hochant la tête et en les tripotant dubitativement du pouce et de l'index.
« Ça suffit! » dis-je d'une voix à moitié endormie mais furieuse.
Il traîne alors des pieds en respirant comme une soufflerie jusqu'à la chaise de Max, où il renouvelle sa performance.
[...]
Je bois alors mon thé froid, me lève et nettoie moi-même la cuvette, puis je jette l'eau et ferme la porte au loquet. Ainsi commence ma journée.La romancière et l'archéologue, d'Agatha Christie Mallowan Come, tell me how you live 1946, 2005 Editions-Payot pour la trad française, 2006 édition poche.   Écrit sur une période de fouilles d'avant la 2e guerre mondiale
Elle n'avait pas un Jeeves pour lui apporter le parfait début de journée:
Prenez un petit exemple : tous les autres valets que j’ai eus ne pouvaient pas s’empêcher de faire irruption dans ma chambre, le matin, alors que j’étais encore endormi, me causant bien des souffrances. Jeeves, lui, semble savoir à quel instant précis je m’éveille, par une sorte de télépathie. Il arrive tous les matins avec le thé, en marchant comme s’il planait sur toutes sortes de nuages moelleux, deux minutes exactement après que j’ai réintégré le monde des vivants. Ça fait une sacrée différence pour le reste de la journée, tout le monde vous le dira.
 P.G. Wodehouse L’inimitable Jeeves  Omnibus 2008 (The Inimitable Jeeves 1923)
 Selon certains auteurs, ce serait une habitude toute britannique:
« Morning tea! » À six heures du matin, un valet de chambre ouvre la porte de la suite et dépose sur une petite table un plateau avec des tasses et une théière. Anita croit que c’est le déjeuner, mais Mme Dijon, à peine réveillée, lui explique que c’est une habitude britannique bien enracinée en Inde. D’abord le thé du matin, puis, plus tard, un petit déjeuner copieux au restaurant.Javier Moro Une passion indienne Robert Laffont 2006 (Passion India 2005)   L'histoire se passe au début du 20e siècle.
mais je la trouve aussi en Chine:
Chaque matin depuis six ans le vieillard avait attendu que son fils lui apportât de l’eau chaude pour le soulager de son catarrhe matinal. Désormais le père et le fils pourraient se reposer. Il allait venir une femme à la maison. Jamais plus Wang Lung ne devrait se lever hiver comme été à l’aube, pour allumer le feu. Il resterait tranquillement dans son lit, et à lui aussi on apporterait un bol d’eau, et si la terre était féconde il y aurait des feuilles de thé dans l’eau. Cela n’arrivait qu’une fois en plusieurs années.
Pearl Buck La terre chinoise tome 1 Payot 1946 (The Good Earth 1931, Prix Nobel 1938) Début 20e siècle
Et la jeune femme ne craignait pas du tout non plus la dame, et quand la dame lui disait avec sa majesté surannée : « Moi, quand j’étais jeune, j’étais au service de ma belle-mère comme c’était mon devoir de l’être et je lui apportais son thé le matin comme j’avais été apprise à le faire », la belle-fille rejetait en arrière ses cheveux courts et tapait sur le parquet ses jolis pieds non comprimés et elle répondait très insolemment.
Pearl Buck Les fils de Wang Lung (2e tome de La terre chinoise )

 Le lendemain de son mariage, Stéphanie se leva tôt pour apporter une tasse de thé à Père et à Mère. Mère la serra dans ses bras et dit « Fille, ceci est trop démodé; de nos jours, on n’exige plus de la nouvelle épousée qu’elle accomplisse cette formalité. »
Stéphanie sourit : « Mère, je ne pourrai pas le faire tous les jours, seulement quand je serai matinale. »
Les deux femmes éclatèrent de rire et s’embrassèrent. « Je suis enchantée, mon fils à fait un bon choix », dit Mère.

Han Suyin Jusqu’au matin 1982 Editions Stanké  (Till Morning Comes 1982) L'histoire se passe peu après l'arrivée des communistes au pouvoir.

 Pour en revenir à l'Angleterre, cette habitude doit être solidement ancrée pour que je la retrouve en vol:
J'aime le nouveau dessin de la première classe sur British Airways. Je suis assise comme à l'aller dans mon cocon individuel, ma place contre le hublot isolée de la cabine par une cloison incurvée avec à ma gauche un tableau de boutons pour commander les diverses positions du siège. Je trouve cela plus commode que l'ancien système où ils étaient dans l'accoudoir où je ne pouvais jamais les attraper confortablement quand j'avais une ceinture, ni distinguer facilement l'usage de chacun. Le principal avantage du siège redessiné, c'est qu'on peut se coucher à plat et essayer de dormir. Un bouton permet de l'allonger pour en faire un lit, chaque passager étant muni d'un duvet et d'un oreiller. L'un d'eux au moins s'est mis de bonne heure en pyjama et s'est installé pour la nuit sans dîner. Ce matin, la cabine avec les passagers qui pliaient soigneusement leurs duvets ressemblait à une petite école exceptionnellement luxueuse, ou à un dortoir de l'armée. Je n'avais pas faim pour le petit déjeuner, mais de bonne heure le matin le thé est arrivé sur un petit plateau avec une élégante théière et son pot. Les voyages en première classe, à condition de ne pas les payer soi-même, représentent le luxe de la vie dont on peut devenir le plus insidieusement "accro"  .P.D. James Il serait temps d'être sérieuse 2000 Time to be in earnest 1999
 D'où peut bien venir ce rituel?

1 commentaire:

Anonyme a dit...
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